Une procédure administrative a été lancée le 8 octobre 2013, pour mettre en cause la constitutionnalité de l’article 78-2 du Code de Procédure Pénale régissant les contrôles d’identité en France. Une initiative distincte de la procédure civile où 13 demandeurs avaient assigné l’État du fait d’une application discriminatoire de ces pouvoirs de contrôle. Le Conseil d’État rendra sa décision, le 23 décembre 2013, de renvoyer ou non au Conseil Constitutionnel une Question Prioritaire de Constitutionnalité sur cet article de loi. Décryptage.
La question de constitutionnalité posée est la suivante :
"L’article 78-2 du code de procédure pénale est-il contraire au droit à un recours
effectif, au principe de précision et d’intelligibilité de la loi, et à
la liberté d’aller et venir, et à toutes autre droits et libertés tels
que garantis par la Constitution ?"
POURQUOI LES REQUERANTS ESTIMENT-ILS QUE L’ARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE EST INCONSTITUTIONNELLE ?
Ils font valoir à l’appui de leur action que :
- L’absence d’identification des forces de l’ordre au moment du contrôle d’identité est de nature à faire échec pour la personne contrôlée aux droits de contester le comportement d’un représentant des forces de l’ordre à son encontre.
- Les services de police ne formalisent jamais l’existence du contrôle opéré sur le fondement de l’article 78-2 du code de procédure pénale lorsqu’il n’est suivi d’aucune procédure pénale ou administrative. Les contrôles d’identité non suivis de poursuites judiciaires ne laissant aucune trace, ne permettent aucun recours et donc aucun accès au juge.
- La rédaction floue et imprécise l’article 78-2 octroie une large marge de pouvoir discrétionnaire aux agents de la force publique pour décider des personnes à contrôler sans avoir à justifier d’aucun motif. Par ce biais, il favorise les contrôles arbitraires et discriminatoires.
- Les contrôles d’identité sont de nature à priver temporairement les personnes contrôlées de leur liberté d’aller et venir. Toute atteinte à celle-ci doit être non seulement justifiée par la nécessité de sauvegarder l’ordre public mais également proportionnée. Or, les conditions et les modalités édictées par l’article 78-2 ne sont pas de nature à permettre de vérifier de manière objective si le contrôle d’identité répond à une nécessité de sauvegarder l’ordre public.
QUE DOIT DECIDER LE CONSEIL D’ETAT ?
Le Conseil d’Etat doit se prononcer sur la saisine du Conseil Constitutionnel.
Le
Conseil d’Etat ne se penchera donc pas sur le fond de la question, mais
examinera si les requérants ont remplis les 3 conditions nécessaires
pour que leur question soit renvoyée au Conseil Constitutionnel :
- Il faut d’abord que le Conseil d’état considère que la loi soit applicable au litige ;
- Il faut ensuite qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitutions dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances ;
- Il faut enfin que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
DE QUEL TYPE DE PROCEDURE S’AGIT-IL ?
Depuis
le 1 mars 2010 instaurant la Question de Priorité de Constitutionnalité chaque
citoyen peut demander, à l’occasion d’un litige, que le Conseil Constitutionnel
puisse examiner la conformité d’une loi par rapport à la Constitution.
Dans
le cas d‘espèce, le litige concerne un recours introduit devant le juge
administratif par les requérants à l’encontre d’une décision du ministre de
l’Intérieur refusant de modifier les conditions et les modalités du contrôle
d’identité.
Les requérants ont demandé au Conseil d’Etat de saisir le
Conseil Constitutionnel afin qu’il soit procédé à cet examen pour l'article
78-2 du code de procédure pénale.
QUELLES CONSEQUENCES POURRAIENT AVOIR CETTE
PROCEDURE ?
Si le Conseil d’Etat renvoie la question de la
constitutionnalité au Conseil Constitutionnel, le contrôle operé par ce dernier
serait de nature à permettre d'abroger toute ou partie de l’article 78-2 du code
de procédure pénale en raison de son caractère gravement attentatoire
aux libertés individuelles. Ceci
obligera (le législateur) à modifier cet article afin d’assurer que les
pouvoirs de contrôle d’identité des forces de l’ordre sont en conformité avec la
Constitution.
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